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RANDOS PATRIMOINE

LE CHEMIN DES BONS HOMMES

 

Promenade courte et facile, qu’il serait dommage de ne pas prolonger, après avoir repris les voitures, par la visite des villages en aval dans la vallée du Carol

Durée : 1 h 30

Arrivée et stationnement des voitures particulières à Porta. Rendez-vous avec le bus en bordure de nationale, près de la Mairie

34 EUR / participant / de 4 à 10, 27 EUR / participant / de 4 à 20

Présentation

 

Après la chute de Montségur (où 220 cathares et sympathisants périrent sur le bûcher) en 1244, quelques rescapés, traqués par l'Inquisition, prirent le chemin de l'exil en franchissant les Pyrénées. Certains d'entre eux remontèrent la haute vallée de l'Ariège, passèrent le col du Puymorens, et rejoignirent la Cerdagne par la Vallée du Carol. De là, ils franchirent ou contournèrent par l'une ou l'autre de ses extrémités la Sierra del Cadi et,  avant de rejoindre quelques communautés de la "diaspora cathare" en Catalogne, trouvèrent temporairement refuge chez des nobles acquis à leurs idées, comme Ramon de Josa à Josa de Cadi, près de Gosol. Mais, persécutées par l'Inquisition et faute d'une coordination entre elles, ces communautés finirent par se diluer avant de disparaître.

 

La stratégie inquisitoriale en Occitanie avait visé juste en éliminant physiquement les "pasteurs" du catharisme, ceux que l'on appelle les Parfaits et qui se désignaient eux même sous le nom de Bons Hommes. Comme l'unique voie d'accès à cette reconnaissance était le seul sacrement cathare (consistant en une imposition des mains), le consolamentum, lequel ne pouvait être délivré que par un Bon Homme, l'extermination du dernier de ceux-ci mettait de facto un terme définitif à l'hérésie, désormais dans l'incapacité de se reproduire.

 

Cette volonté d'éradication explique l'acharnement mis, plus de trois quart de siècle après Montségur, et à un moment où le catharisme avait quasi disparu d'Occitanie, par l'Evêque de Pamiers Jacques Fournier, futur Pape Benoit XII, à traquer le dernier Parfait cathare repéré, Guillaume Bélibaste, alors retiré dans une petite communauté semi-clandestine, à Saint Mathieu, commune de Morella, Pays Valencien. Un curieux personnage que ce Bélibaste, poursuivi pour le meurtre d'un berger,  ayant demandé et reçu le consolamentum à titre d'expiation de ses fautes, incarcéré à Carcassonne d'où il s'était évadé pour rejoindre la communauté de Saint Mathieu dont il était devenu le chef spirituel. Ayant enfreint les principes de chasteté auxquels il était astreint  en ayant eu un enfant, il avait essayé de dissimuler son péché en mariant sa compagne à un de ses disciples avant de casser ce mariage par jalousie, sitôt l'enfant né. L'Evêque de Pamiers n'ayant qu'une médiocre confiance dans l'efficacité de ses collègues valenciens préféra faire le travail lui-même, et organisa, avec l'aide d'un traître membre de la communauté de Saint Mathieu, un sordide traquenard. Sous prétexte de donner le consolamentum à une fidèle mourante et de recueillir par la même occasion un solide héritage, Bélibaste fut attiré tout près de la frontière pyrénéenne, arrêté à Tirvia, emprisonné à Castellbo, extradé à Narbonne et finalement brûlé vif à Villerouge-Terménès (Aude) en 1321. Tout rentrait dans l’ordre : Jacques Fournier, qui avait démontré son autorité, pouvait prétendre avec succès au trône pontifical, tandis que le vent des Corbières dispersait les cendres de Guillaume Bélibaste. Ainsi disparut le dernier Bon Homme. Mais, entre 1244 et cette dernière date, nombreux avaient été ceux à emprunter ce "chemin de la liberté", comme seront appelées beaucoup plus tard les voies de l'exil à travers les Pyrénées. A noter que cet itinéraire fut surtout suivi, outre les proscrits et fugitifs de tout poil, par des colporteurs et commerçants recourant à cette liaison directe entre Toulouse et Barcelone.

 

Avec des particularités qui lui sont propres, le catharisme s'inscrit dans la continuité des religions dualistes, depuis Zarathoustra et le mazdéisme, et combattues dès leur origine, comme hérésies, par la religion chrétienne (marcionisme, gnosticisme, manichéisme, paulinisme, bogomilisme, etc...). Toutes ces doctrines partaient d'un principe commun : la lutte primordiale et éternelle entre un principe bon (de Ahoura Mazda au Dieu du Nouveau Testament) et un mauvais (de Ahriman à Satan), lutte qui était également celle de l'esprit contre la matière, et dont l'aboutissement suprême était de pouvoir, au terme d'un long processus de purification et mortification, se libérer définitivement du cycle infernal des réincarnations. Les cathares rejetaient aussi bien l'Ancien Testament que la hiérarchie chrétienne, les lieux de culte, la richesse de l'église et les sacrements autres que le consolamentum. Les Parfaits devaient pratiquer un ascétisme extrême, excluant toute relation charnelle, mais aussi la consommation de tout aliment produit directement ou indirectement par une relation sexuelle, de la viande au lait et aux œufs. Seuls les poissons, supposés naître par génération spontanée des eaux de la rivière ou de la mer, trouvaient grâce à leurs yeux. Respectueux de toute vie animale (en laquelle aurait pu se réincarner un défunt), les cathares n'en avaient pas moins des ambitions de domination temporelle, et n'hésitaient pas à combattre leurs adversaires par les armes (cf l'assassinat des inquisiteurs à Avignonet-Lauragais, élément déclencheur de l'ultime siège de Montségur).

 

Pour éviter d’être interceptés et reconduits à la frontière, c'est-à-dire livrés à l’Inquisition, les cathares s’employaient à emprunter les itinéraires les plus discrets, à l’écart des lieux habités. Le chemin principal quittait la vallée du Carol à Porta, remontait la vallée du Campcardos, passait par le col de la Portella Blanca d’Andorre, et redescendait sur Lles, Prullans et Bellver par la vallée de la Llosa. Mais il s’agit là d’un itinéraire de montagne, long et difficile. Nous arrêterons bien avant.

Description

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le départ se fait depuis le parking indiqué « Porté 1600 », avant le dernier virage en contrebas du village. Le chemin de la tour Cerdane est indiqué par un panneau à l’entrée à droite. Il rejoint rapidement l’itinéraire du GR 107 qui passe au dessus, et que l’on suit sur la gauche. Celui-ci contourne sur la droite la butte granitique (magnifique blocs polis par l’érosion glaciaire) de la Tour Cerdane. Dans la traversée du bois de bouleaux, prendre à gauche l’itinéraire marqué d’une croix rouge et blanche (on quitte momentanément le GR) et balisé en jaune, qui conduit rapidement, en sous bois, jusqu’à la tour. Beau panorama sur la Vallée du Carol et le débouché des tunnels routiers et ferroviaire du Puymorens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Bons Hommes qui avaient survécu à l'éprouvante traversée du col du Puymorens reprenaient des forces au modeste hameau de Porté (ancienne Portea Tholosa, la porte de Toulouse), lequel n'est devenu commune à part entière qu'en 1860 en se détachant de sa voisine Porta, laquelle n'avait elle-même acquis son autonomie par rapport à Latour-de-Carol qu'en 1837. Le site est remarquable, mais pas le patrimoine de ce village, qui a connu un développement récent lié au tourisme hivernal, et a changé son nom en Porté-Puymorens, par référence au col.

A 1675 m. d'altitude, la Tour Cerdane (aussi appelée château de Puymorens, ou Pimorent, le pin noir,  en catalan) est une construction énigmatique, parce que très peu documentée. Elle n'apparaît dans les textes qu'en 1288, date à laquelle le roi d'Aragon l'inféode au baron d'Enveitg, qui en fait le poste avancé d'un ensemble de fortifications de la vallée du Carol (anciennement de l'Aravo) comprenant également le château de Carol (dont il ne reste que deux tours) et la tour de Carol (disparue, mais probablement située à l'emplacement actuel de l'église de Latour-de-Carol). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1308, Jacques Ier de Majorque rachète l'édifice, dans l'intention manifeste  d'en faire un verrou militaire au débouché du col du Puymorens et à l'entrée de l'étroite gorge de la Fau. On n'en entendra plus guère parler par la suite, si ce n'est à propos de l'enfermement, en 1344, de Jacques II, dernier Roi de Majorque vaincu par son cousin Pierre IV d'Aragon, dit le Cérémonieux, d'un accrochage sans conséquences avec les troupes françaises peu avant 1659 (épisode qui nous informe que la tour était alors équipée d'artillerie), et de sa destruction partielle, à l'explosif, par ordre de Vauban, soucieux là comme ailleurs de rendre inhabitables des bâtiments isolés qui auraient pu servir de refuges à "miquelets".  C'est peu, et il semble que personne ne se soit jamais vraiment intéressé à la Tour Cerdane.

 

Le bâtiment est donc sensiblement resté dans l'état de ruine qui fut le sien à la fin du XVIIème siècle. Mais cette forteresse demeure imposante tant par sa situation sur un rocher, dont elle épouse la forme du sommet aplati, dominant l'entrée de la vallée du Carol, que par l'épaisseur (1,50 m) et la hauteur (8 m) des pans de mur ayant échappé au "pétardage". Pour autant que l'on puisse en juger, il semblerait que le début de la construction remonte au Xème siècle, et soit donc largement antérieur à l'intervention du baron d'Enveitg. En dépit d'inévitables modifications, elle semble avoir pour l'essentiel conservé son plan initial, avec un fossé et ce qui semble être une barbacane. On y distingue encore la trace d'un crénelage, onze archères et les vestiges de trois portes. Vu ses dimensions et sa disposition qui évoque le pog de Montségur (même si, ici, les cathares n'ont, à notre connaissance,  fait que passer), ce château avait vraisemblablement pour vocation d'abriter dans l'urgence, en cas de menace, les habitants des hameaux environnants, et leurs troupeaux. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rebrousser chemin jusqu’au carrefour précédent, et reprendre le GR, qui se transforme rapidement en une piste goudronnée, puis bétonnée. Au moment de rencontrer la voie ferrée, prendre à droite la suite du GR (indiqué interdit, sauf aux cavaliers) qui emprunte désormais l’ancien tracé de la N320, en suivant les rails du transpyrénéen. En arrivant à Porta, traverser le large tunnel sous la voie, puis l’actuelle nationale (avec précaution) et rejoindre le village et les voitures.

De nombreux Bons Hommes évitaient de poursuivre plus avant par la vallée, de crainte de se voir repérés dans la traversée d'un village, et d'être livrés à l'Inquisition espagnole. Certes, à la différence de son homologue française, celle-ci ne plaçait pas les cathares parmi ses priorités, mais le danger d'une extradition demeurait grand.

difficulté de maintenir une garnison permanente dans  un endroit aussi climatiquement difficile, les diverses autorités médiévales ont veillé à se concilier la population locale et à la maintenir en place en lui concédant divers avantages, dont des taxes sur les voyageurs. Dans son état actuel, la Tour Cerdane ne présente plus que trois pans de murs, révélant néanmoins un plan approximativement circulaire Les trois parties détruites l’ont été, au moins pour une d’entre elle (présence en contrebas de fragments de courtine « soufflés » par l’explosion), manifestement à l’explosif. Un mur, lui aussi ruiné, a été édifié à l’intérieur de la brèche nord-est, pour palier à l’effondrement (peut être accidentel) du mur initial, à moins qu’il ne se fut agi d’une destruction volontaire destinée à aménager une terrasse d’artillerie battant le débouché du col. Les belles et hautes meurtrières sont manifestement de la fin du Moyen-Age, et le fossé toujours bien visible. En contrebas de celui-ci quelques murs en pierre sèche laissent supposer l’existence d’enclos où parquer le bétail en cas de menace, sous la protection de la tour.

 

Porta (même origine étymologique que Porté) est un joli village de montagne en granit. L'église St Jean Baptiste a remplacé au XIXème siècle celle consacrée depuis 1265 à Saint Martial. Les fontaines et abreuvoirs attestent de l'ancienne activité agricole du village, et surtout de celle de relais de diligence, où l'on changeait les chevaux avant la montée du col du Puymorens. 

 

Les aubergistes étaient particulièrement vigilants à débusquer les Bons Hommes déguisés. Un test, en apparence anodin, était sans appel : l'aubergiste demandait, sous un prétexte futile, à son client de passage de tuer et de plumer ou d'écorcher un animal pour le repas. Si celui-ci se dérobait, il était illico dénoncé aux autorités locales comme hérétique en fuite.

 

Arrivés à Porta, les Bons Hommes les plus prudents (ou les moins éprouvés) choisissaient souvent de quitter sur la droite la vallée du Carol et remonter celle de son Homologue français, celle-ci ne plaçait pas les cathares parmi ses priorités, mais le danger d’une extradition demeurait grand. Arrivé à Porta, les Bons Hommes les plus prudents (ou les moins éprouvés) choisissaient souvent de quitter sur la droite la vallée du Carol et remonter celle de son affluent le Campcardos (le champ de chardons) jusqu'à la Portella Blanca (point de rencontre des frontières françaises, espagnoles et andorranes), à 2 517 m. d'altitude. De là, on redescendait par la vallée de la Llosa jusqu'à Martinet, ou Bellver via Prullans. Mais cet itinéraire d’altitude, qui fut également emprunté (« les chemins de la liberté) pendant la seconde guerre mondiale par des familles juives fuyant les persécutions nazies et des aviateurs anglais pressés de rejoindre Gibraltar, est réservé aux randonneurs aguerris. C’est pourquoi chacun retrouvera sa voiture, après la visite du village de Porta. Mais il serait dommage de ne pas en profiter pour s’arrêter au retour et découvrir quelques intéressants sites de la vallée du Carol. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Bons Hommes ne prenaient évidemment pas le train. Mais il serait, de nos jours dommage de ne pas jeter un œil sur l’étonnante gare SNCF de Latour de Carol/Enveitg. Avant de partir, chacun aura une pensée pour l'étonnante chanson de Brigitte Fontaine "Lettre à Monsieur le Chef de Gare de Latour-de-Carol".

 

Bien entendu, le chemin des Bons Hommes ne s'arrêtait pas là. Ils continuaient jusqu'à Puigcerda et Bellver, où ils se séparaient, les uns poursuivant sur Baga et Berga et les

Le village de Carol (origine étymologique Quar/Ker, le rocher, en référence probable à celui sur lequel était perché le château, et qui a également donné son nom à la rivière) fut jadis le plus important  de la vallée éponyme. De son château (XII/XIIIème siècles), qui en fut le centre administratif mais n'a pas laissé de trace notable dans l'histoire, ne subsistent que deux tours carrées, l'une éventrée, l'autre reconstituée. L'ensemble demeure très photogénique.

 

Le pittoresque hameau de Courbassill (Cortvassil) est édifié sur un chaos granitique. Observer les énormes blocs arrondis enchâssés dans les murs, Son église romane Saint Martial, perchée en chaut du village, est mentionnée dès 1265, alors sous le vocable de Saint Quentin. Elle contient un retable baroque attribué au grand sculpteur catalan Joseph Sunyer. L'étymologie de Courbassill envoie à Cort Vassilius, la propriété de Vassilius, patronyme gallo-romain.

 

Latour-de-Carol tire son nom de la tour disparue, vraisemblablement située sur le promontoire où l'église Saint Etienne (XVème siècle) lui a succédé.

 

Le hameau d'Yravals semble avoir été le plus anciennement habité (dès 600 avant JC), avant que la population ne se déplace vers le rocher de Latour, plus facile à défendre. L'église romane (XIIème siècle) Saint Fructueux d’Yravals possède un intéressant mobilier médiéval et renaissance.

 

La gare internationale de Latour-de-Carol/Enveitg étonne par ses dimensions imposantes, qui rappellent celles de sa cousine aragonaise de Canfranc. Elle constitue depuis 1926 le terminus du Train Jaune (lequel part de Villefranche de Conflent), et présente la particularité de trois écartements de voie : 1m (Train Jaune), 1,44 (gabarit français) et 1,71 (gabarit espagnol). Elle est en relation avec Toulouse, Barcelone et Perpignan via Villefranche de Conflent.

 

mentions legales
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