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RANDOS PATRIMOINE

LE VALLON DES SAINTS

 

DE TAURINYA A SAINT MICHEL DE CUXA

PAR LA TOUR DE CORTS ET L’ERMITAGE DU DOGE ORSEOLO

 

Sortie facile par un sentier généralement en sous-bois, sans forte déclivité.

Durée totale : 1h30

Parking des voitures en face de Saint Michel de Cuxa

Tarif (bus compris) : 37 € de 5 à 10 participants et 28 €/de 11 à 20 participants

Présentation

 

Tout commence très mal par une catastrophe naturelle : en 878, une violente crue de la Têt emporte le monastère bénédictin de Saint André d'Eixalada, installé plus haut en Conflent dans le défilé des Graus de Canaveilles, à proximité des sources chaudes exploitées depuis par l'établissement thermal. Un des moines survivants met à la disposition des rescapés une propriété dont il dispose à titre personnel dans le vallon de Cuxa, près d'une petite église consacrée à Saint Germain. La nouvelle abbaye prend le vocable de Saint Michel, l'archange guerrier, chef de la milice céleste, le seul à pouvoir agir de motu proprio contre Lucifer sans l'accord préalable de Dieu (un peu comme le permis de tuer de James Bond 007 !),  ce qui n'est probablement pas anodin à un moment où le péril des invasions musulmanes est plus que jamais d'actualité et où, en face, l'autorité de la dynastie carolingienne décline. Les circonstances exigent l'émergence d'une nouvelle autorité capable de se substituer à celle qui défaille, et la Papauté, s'appuyant sur l'Ordre Bénédictin, se propose. L'abbaye va donc se développer rapidement en bénéficiant de donations, et devenir un pôle spirituel, mais aussi identitaire et structurel, dans la "Reconquista" qui s'organise. Une telle ambition nécessite que l'on place à sa tête un "leader" dynamique et compétent. En 965, le comte de Cerdagne Sunifred II, lequel a encore la haute main (mais plus pour longtemps) sur les nominations ecclésiastiques, obtient la mise à disposition par l'abbaye de Cluny d'un de ses meilleurs talents, l'abbé Garin. Ce moine cultivé, disposant d'un réseau relationnel étendu (il est l'ami personnel de Gerbert d'Aurillac, qui sera bientôt le Pape de l'An Mil sous le nom de Sylvestre II, et viendra rendre visite à Saint Michel de Cuxa), et organisateur dynamique ("astre éclatant" selon la description enthousiaste du moine Garcias, près d'un siècle plus tard) , va entreprendre de longs voyages pour défendre les intérêts de son abbaye. L'un d'entre eux le conduira à Venise en 978. Il en ramènera, dans des circonstances  étonnantes qui seront développées plus loin, rien moins que deux personnages appelés à être plus tard canonisés, le Doge Pierre Orséolo et l'ermite Romuald, futur fondateur de l'ordre des Camaldules, qui marqueront de leur empreinte le tranquille vallon de Cuxa (Romuald, désireux un peu plus tard de retourner en Vénétie, devra se faire passer pour fou afin d'échapper à la vindicte des habitants de l'endroit, trop heureux d'avoir un futur Saint à proximité, et qui préfèrent l'occire que le voir repartir !).

Description

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette sortie peut être effectuée pour elle-même, ou dans le prolongement de celle de Fillols à Taurinya (voir fiche correspondante, et notamment la présentation du village de Taurinya et de son église dédiée à Saint Fructueux).

 

Le point de départ de la sortie se situe sur le parking devant le cimetière, dans la partie haute du village. Noter que la rue toute droite qui sépare le cimetière dudit parking a repris le tracé de l'ancien "traînage" du minerai de fer (voir fiche " de Fillols à Taurinya").

 

Prendre le "Carrer de la Torre" (ce qui est déjà une indication) et, très vite, suivre à droite un charmant "sentier d'Emilie", qui monte en pente douce sous les ombrages et conduit en une petite demi-heure à la Tour de Corts. Peu avant d'arriver, on observera à proximité du chemin des traces d'excavations et des monticules de terre déplacée, attestant d'anciennes prospections minières.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PATRIMOINE ET HISTOIRE

 

La tour est tout ce qui subsiste du village de Corts, dont la disparition, au XVIIème siècle, est attribuée à la peste de 1653, laquelle fit des ravages. Le nom de Corts renvoie aux enclos dans lesquels étaient parqués au Moyen Age moutons et porcs. Le ruisseau qui passait à proximité et charriait les malodorantes déjections animales y a gagné alors le nom évocateur de Riu Merder, qu'on lui a par décence retiré depuis. 

 

Cet emplacement en hauteur, et duquel on découvre un large panorama, notamment sur Saint Michel de Cuxa, aurait conduit à y construire précocement une tour à signaux, répercutant sur le monastère et sur Taurinya les signaux provenant des tours de Belcer (aujourd'hui disparues), sur la crête d'en face, voire de Saint Etienne de Pomers, au dessus de Clara. Mais une église romane lui succéda dès le XIIème ou le XIIIème siècle, son abside en demi-cylindre prenant appui sur la base conservée de la tour . L'ensemble a la forme d'un bloc massif en bel appareil, la nef unique étant voûtée en berceau brisé, ce qui annonce la période gothique. L'église est curieusement perchée sur une arête rocheuse complétée par ce qui ressemble aux vestiges d'une motte cadastrale laquelle prend ici l'allure d'un podium . Déjà haute sur le façade, la belle porte survole de plusieurs mètres le sol environnant. On peut en déduire qu'elle était jadis accessible par un escalier de bois escamotable en cas de nécessité ce qui, s'ajoutant à l'extrême étroitesse des ouvertures et à la position spectaculairement en hauteur confère une allure de blockhaus à l'ensemble, réduit défensif autant que lieu de culte. D'ailleurs, l'abside a fait l'objet d'un début de surélévation à l'époque troublée du XIVème siècle, dans le but manifeste d'améliorer encore les aptitudes défensives de l'ensemble. On se réjouit en tous cas que de récents et remarquables travaux de restauration aient permis la sauvegarde de cet intéressant édifice. On note enfin avec

 

Jeter un œil, une centaine de mètres à l'ouest, sur la Font Envoad (la Fontaine Voûtée, dont nous reparlerons plus loin), et suivre la piste en terre qui contourne l'église par la gauche, et descend en lacets jusqu'aux ruines de l'ancien moulin de Taurinya, et franchit la Lliterra avant d'aboutir au parking de Saint Michel de Cuxa.

 

Avant de s'abîmer dans la contemplation de ce chef d'oeuvre de l'art préroman et roman, reprendre sur la droite la route de Taurinya, et la suivre sur une cinquantaine de mètres, tant qu’elle longe le mur de clôture de l’abbaye. Au moment où elle effectue un virage à 90 ° sur la droite, la quitter et continuer tout droit, après avoir franchi un câble interdisant l’accès aux véhicules. Après avoir traversé une petite plaine plantée de pêchers à quelques distance sur la droite, prendre dans le bois, grimper sur quelques mètres, et prendre à droite, à 90] une belle piste ombragée parallèle à la lisière du bois. Deux cent mètres un peu plus loin se découvrent les vestiges de la cabane érémitique du Doge de Venise Pierre Orseolo. Ce qui demande que l'on raconte une rocambolesque histoire, digne du "Code da Vinci".

curiosité que les prospections minières n'ont pas épargné le socle en terre, qui présente juste sous l'abside la marque caractéristique d'une telle excavation.

 

 

A la fin du Xème siècle, la fonction de Doge de Venise n'est pas de tout repos, et se termine souvent par l'assassinat  du titulaire. Un certain Pierre Orseolo ne déroge pas à la règle: il assassine en 976 le Doge en exercice et prend sa place.

 

Deux ans plus tard, les augures politiques du temps prophétisent avec insistance que son heure va sonner à son tour, et à brève échéance. Orseolo profite de la présence providentielle de Garin, abbé de Saint Michel de Cuxa de passage à Venise pour demander à celui-ci de bien vouloir "l'exfiltrer". Garin accepte, mais impose ses conditions: Orseolo sera dorénavant un simple moine de Saint Michel de Cuxa. Orseolo n'a d'autre solution que d'accepter, mais le passage de la splendeur des palais vénitiens à l'austérité d'une cellule monastique lui paraissant brutale, il sollicite et obtient que deux conseillers, ermites dans la lagune vénitienne, Marin et Romuald, l'accompagnent pour l'aider à opérer sa mue. Et la fuite nocturne réussit. Arrivé en Conflent, le trio ne s'adapte pas à la vie cénobitique du monastère. Marin et Romuald obtiennent par dérogation l'autorisation de s'installer dans une cabane érémitique à proximité de la Font Envoad, déjà évoquée. Orseolo aussi, mais dans son cas Garin exige que, par mesure de sécurité, la cabane reste à portée de vue du monastère. Après quelque temps, mission remplie, Marin et Romuald retourneront en Vénétie, où le second se distinguera en fondant l'ordre des Camaldules, ce qui lui vaudra plus tard d'être canonisé. Tel sera également le sort d'Orseolo lequel, pour le moment, dort par volonté de mortification sur une pierre plate, dont la piété populaire assurera plus tard qu'elle a enregistré l'empreinte de son corps,

 

Il est temps de retourner à Saint Michel de Cuxa, dont on admire tout particulièrement, sous cet angle, le seul conservé de ses deux clochers romans. Rappelons que, avec Serrabone et Saint Martin du Canigou, Saint Michel de Cuxa est l'un des trois monuments emblématiques de l'art roman en Catalogne Nord.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pierre est toujours là, et l'empreinte aussi. Ce ne sera pas décevoir le public que préciser que, au XXème siècle, un habitant de Taurinya a été chargé de recreuser au ciseau cette pierre, dont l'empreinte était devenue décidément trop peu visible, si tant est qu'elle l'eut jamais été Une inscription, récemment placée à proximité, explique prudemment que c’est à côté de cette pierre qu’Orseolo se recueillait pour prier, sage explication qui satisfera tout le monde. Une bonne nouvelle pour terminer : en dépit de la fuite de celui-ci, c'est le fils de Pierre Orseolo (Pierre II Orseolo) qui succède à son père. L'histoire s'arrêtera toutefois là quand il proposera que son propre fils lui succède à son tour, les vénitiens estimant que, en dépit des mérites d'une famille qui compte un saint (assassin certes, mais saint quand même) dans ses rangs, cela tourne à la monarchie héréditaire, ce qui ne concorde pas avec les principes d'une république.

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